Les données et leur reporting dans un système d’information

Fin du mois dans une société de service type SSII, ça y est, chaque collaborateur remplit un fichier MS Excel (ou LibreOffice ..) avec le temps passé sur les projets ou chez un client et envoie ça à son manager. Le fichier est ensuite retravaillé dans un autre fichier tableur avec un niveau d’agrégation plus élevé et ainsi de suite, autant de fois qu’il y a de niveaux hiérarchiques ou organisationnel dans l’entreprise. Et tout en haut, le big boss lui aussi manipule son fichier MS Excel et ses indicateurs agrégés lui permettent de piloter son entreprise.

Quels sont les problèmes pendant la rémontée d’information ?

  • le risque d’erreur de calcul augmente avec le nombre d’intermédiaires et avec la complexité du fichier de saisie des données
  • les données étant retraitées manuellement, il est beaucoup plus facile de les manipuler et de dissimuler des résultats différents de la réalité
  • le délai de mise à disposition des indicateurs augmente avec le nombre d’intermédiaires et leur justesse diminue : s’ils doivent être prêts pour le lundi à 9h au niveau direction générale, il faut qu’il soit prêt le vendredi soir un niveau en dessous, puis pour le jeudi soir un niveau en dessous, etc. Au final, on se retrouve le lundi matin non pas avec des données réelles mais avec des données prévisionnelles !

et par conséquent, piloter une activité avec des indicateurs faux reste un sport à haut risque, le pilotage à vue ne fonctionnant qu’avec quelques personnes et une bonne mémoire .. Et lorsque ces indicateurs servent de base de calcul aux rémunérations variables, ils ont tout intérêt à être justes ..

Deux réflexes peuvent survenir après cette prise de conscience

  • Dédier des personnes pour vérifier les chiffres des autres, à tous les niveaux, la consolidation est faite différemment (idéalement à partir des mêmes données, inconsciemment à partir de données différentes .. oui ça arrive .. ) : sachant que de toute façon une vérification de la donnée de base est nécessaire car l’erreur est humaine, mais pour provoquer une vraie catastrophe, il faut un ordinateur .. et donc ..
  • S’équiper d’un système d’information qui génère les reportings et prépare le café (pour lire les reportings) : on entend alors des mots comme Système décisionnel ou Business Intelligence dans les comités de direction et ça fait rêver ..

Si la solution de la vérification est intéressante, une bonne partie de la matière grise de l’entreprise et du management sera consacrée à faire des calculs, à les vérifier à les contre-vérifier et une mauvaise organisation aidant, amènera la vérification malgré tout à ne pas être exhaustive.

Clés de la réussite pour un reporting pertinent

Mettre en place un système d’information performant est une solution mais … combien de fois entend-t-on parler de produit informatique ou solution logicielle AVANT de connaître le besoin ? La question paraît idiote et pourtant. D’après moi, c’est LA raison majeure à l’échec de projets informatiques. Pourquoi ? car c’est un effort intellectuel certain que de se poser la question : « De quoi ai-je besoin ? ». Et notre cerveau  aimant la facilité, on évite la question et on se jette sur une solution toute faite, généralement celle où le marketing a été le plus efficace.

Donc ça y est, c’est décidé, on s’équipe de la formule 1 des systèmes d’information ! Donc maintenant qu’on a une super voiture, où est-ce qu’on va ? à la boulangerie en bas de la rue ou sur un circuit ?

Une entreprise va vouloir mesurer une stratégie d’évolution sur la base d’indicateurs qui vont du coup piloter le management des collaborateurs. Donc le système d’information doit aider à générer automatiquement ces indicateurs. Tout manager doit avoir une idée de cet indicateur à son niveau pour piloter son activité, le calcul doit donc être fiable, immédiat et sans effort et ainsi voir s’il atteint ses objectifs (voir l’article à ce sujet sur comment bien définir des objectifs). Il peut également se créer ses propres indicateurs pour piloter plus finement son activité et le système d’information doit lui offrir cette souplesse. Il faut donc avoir une double approche :

  • fournir un reporting automatique sur les indicateurs clés de l’entreprise en rapport avec les objectifs : typiquement un taux d’occupation doit pouvoir être calculé de manière immédiate et fiable (ou bien connaître les limites de la fiabilité de la valeur : manque de données sur plusieurs personnes, valeur à une date antérieure), on peut également trouver la marge d’un projet ou d’une entité.
  • fournir les outils à chacun pour piloter l’activité : autrement dit fournir des exports des données élémentaires (détails des occupations projets, détails des congés, détails des temps passés, détails du chiffre d’affaire) également de manière immédiate et fiable.

Les avantages d’un équilibre automatique / manuel

  • Les reportings du système d’information sont la Loi : les objectifs sont jugés sur ces reportings, chacun sait à chaque instant où il en est.
  • Les managers ne passent pas leur temps à jouer (lire perdre du temps) sur MS Excel, ce n’est pas leur métier, ce ne sont pas des contrôleurs de gestion, le boulot doit être fait pour eux. Ils ont suffisamment de choses à faire avec leurs équipes en tant que manager.
  • Quelques indicateurs suffisent, le nombre de reporting est donc limité (à ne pas confondre avec le niveau d’agrégation), un taux d’occupation pour une équipe de 10 personnes ou pour 50 équipes de 100 personnes reste le même. Donc la maintenance du système d’information est réduite, son fonctionnement rôdé, son évolution limitée.
  • Chaque manager à sa manière de fonctionner et veut un reporting différent, des Totaux différents, une dimension d’analyse en plus, car il doit étudier une problématique liée à son périmètre, si on écoute les désirs de chacun, le système d’information va compter autant de reportings que de personnes, voire plus avec les changements de postes, les départs, les arrivées, … d’où l’intérêt des exports de données élémentaires qui vont lui offrir une souplesse certaine.

Conseils de mise en oeuvre d’un outil de reporting

  • Rester pragmatique : exit donc les indicateurs graphiques dans tous les sens, le seul qui en vaille la peine dans un premier temps est l’évolution d’un indicateur à travers le temps.
  • L’outil de reporting doit être efficace autrement dit accessible depuis l’extérieur de l’entreprise, avec une ergonomie digne de ce nom. S’il faut plus de 2 minutes pour accéder à ses indicateurs c’est déjà trop. L’outil ne doit pas avoir besoin de mode d’emploi : Facebook a-t-il besoin d’un mode d’emploi ? Amazon ? rapidité et intuitivité vont faire de votre outil le couteau suisse de vos managers.
  • Prendre le temps de définir en détail les indicateurs souhaités : avec toutes les données disponibles, on peut vite être tenté de générer des dizaines de rapports pour obtenir le chiffre d’affaire par clients commençant par la lettre D et pour lesquels l’adresse postale contient le mot « avenue »: Voici quelques questions à se poser :
    • est-ce utile ? est-ce que ça va m’aider à me rapprocher de mes objectifs ?
    • est-ce que ça peut intéresser mon chef ? est-ce que ça peut intéresser mes équipes ?
    • est-ce que ça peut m’aider à prendre une décision ?

Si vous ne répondez jamais oui, arrêtez tout de suite, vous êtes en train de vous « pignoler » ..

Du reporting à l’aide à la décision

Si vous êtes arrivé à un système d’information mature pour suivre vos indicateurs, l’étape suivante c’est de mettre en place un système d’aide à la décision, « faire de la BI » en somme, de la « Business Intelligence » .. L’idée étant de générer des simulations en fonction de critères d’entrée : par exemple, si j’embauche 12 personnes et que j’arrive à les facturer selon un taux d’occupation de 92%, comment vont réagir mes indicateurs sur les 3 prochains mois ? Intéressant non ? mais attention le passage du côté obscur du pignolage est encore plus rapide ..

Et ailleurs ? l’expérience de Ricardo Semler

Ricardo Semler dans son livre Maverick! partage son expérience de l’informatisation de sa société Semco dans le chapitre Too Big For Our Own Good. Morceaux choisis :

  • « Instead of helping us organize data, computers are drowning us in it » : Au lieu de nous aider à organiser les données, les ordinateurs nous noient dedans.
  • Un de ses collaborateurs lui explique le nouveau système de facturation et le compare à l’ancien, manuel. Ricardo Semler lui demande :

    « How many invoices did you issue then ? » : Combien de factures génériez-vous avant ?

    « About 150. » : Environ 150.

    « And Now ? » : Et maintenant ?

    « About 120. » : Environ 120.

  • Pour arriver à la conclusion suivante :

    « Either you can adopt sophisticated, complex systems to try to manage the complications, or you can simplify everything. Finally, we chose the other path. » : Soit vous pouvez adopter des systèmes complexes et sophistiqués pour gérer les complications, ou bien vous pouvez tout simplifier. Finalement, on a choisi la deuxième solution.

Et vous quelle solution allez-vous choisir ?

Voir également l’article sur comment définir des objectifs intelligents en entreprise.

Références

Les livres de Ricardo Semler, Maverick! et Seven-day weekend :

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