Rédaction d’un plan d’assurance qualité (PAQ) : retour d’expérience

Stéphane a pris le temps de partager (en détails) sa première expérience projet et nous partage de précieux conseils. Vous apprécierez particulièrement son analogie avec la voile en fin d’article, j’en suis sûr .. Je le remercie chaleureusement pour le temps qu’il a consacré à la rédaction de ce retour d’expérience !

Ce que je considère comme mon premier projet a eu pour but d’écrire un plan d’assurance qualité. L’objectif est défini, le délai est de trois mois, les moyens sont ma personne et mon portable.

J’ai accepté ce projet pour deux raisons. La première pour accéder à un poste en structure et la deuxième pour démontrer à ma hiérarchie que je suis capable d’assumer et de réussir un projet qui n’est pas forcément dans mon champ d’actions.

Contexte

Plan assurance qualitéLe travail est d’écrire et de formaliser les processus et les procédures de fonctionnement d’une mise en condition opérationnelle des postes de travail pour le centre de recherche et le siège d’une société.

L’enjeu est de continuer le contrat en cours et de renforcer notre relation commerciale avec ce client. Le responsable du compte m’a proposé la gestion de ce projet. Il m’a expliqué la situation et les enjeux de ce projet. Nous nous sommes entendus sur les objectifs. L’enjeu est important pour mon entreprise.

Je suis convoqué par la direction. Elle me demande : « Êtes-vous capable de répondre aux attentes ? » J’ai affirmé que j’en avais les capacités. Avant de commencer, je me renseigne. Je lis tous les rapports de réunion et je rencontre les acteurs de mon entreprise qui connaissent ce client. Je cerne finalement les risques et les avantages sur ce projet.

J’ai identifié les risques et voici la liste :

  • Un projet décidé par mon entreprise sans aval réel du client,
  • Une compréhension floue des attentes du client et de son service qualité,
  • Le changement d’interlocuteur privilégié du client,
  • La disponibilité des différents intervenants dans les processus pour la récolte des informations,
  • La rédaction.

Mais en contrepartie, j’ai des clés pour la réussite :

  • Ma volonté et mon engagement,
  • Mon organisation,
  • Ma connaissance des normes ISO vues au CCF,
  • Mon sens de la communication.

Je vais raconter le déroulement du projet dans ces grandes lignes et je reviendrai sur les points essentiels qui ont permis à mon sens de réussir ce projet.

Déroulement du projet

Avant de commencer, j’ai effectué un planning. Il est décomposé en trois étapes : la collecte d’informations, la rédaction et la mise en production.

La collecte d’information est une étape essentielle. Pour la mettre en œuvre, j’ai besoin de rencontrer les différents intervenants des processus.

Je rencontre la responsable informatique que je nommerai Madame C, cette personne venant de prendre son poste. Nous nous mettons d’accord sur l’utilité de mon travail et elle engage ses équipes à répondre à toutes mes questions. De mon côté, je m’engage à l’aider et à la soutenir dans des choix d’organisation face à sa hiérarchie. Nous avons besoin l’un de l’autre pour arriver à nos objectifs.

Cette première phase me permet de commencer mes entretiens. Je vais avoir plus de mal à obtenir des entretiens avec les collaborateurs de mon entreprise sur place. Ils ont leurs tâches et ils voient une contrainte supplémentaire à la mise en place du Plan d’Assurance Qualité. Je négocie avec le responsable de site. Je finis par le convaincre de l’intérêt du PAQ. Une fois un consensus établi sur le besoin du PAQ, ma collecte se passe sans problème.

Je prends en compte les besoins du service qualité. Mon rôle est de montrer par une démarche qualité, la validité des indicateurs obtenus. En aucun cas, je ne rentre dans le système ISO du client.

Mais je reconnais que je travaille avec une certaine similitude. J’ai mes informations, je commence la rédaction. Je rédige le PAQ et en parallèle les procédures fonctionnelles. Je détermine la règle de « nommage » des documents et l’organisation des fichiers sur le serveur.

Je m’aperçois du temps que je perds pour mettre en forme mes documents.

Je rencontre très vite une difficulté. Je m’aperçois du temps que je perds pour mettre en forme mes documents. Je décide donc de tout mettre à plat pour partir sur une base saine. Je stoppe ma rédaction et je passe une semaine à créer des modèles de documents (procédure, document de travail, compte rendu de réunion, etc. ) et la création des styles sous Word pour la mise en forme de mon PAQ.

Je reprends la rédaction. Les documents finis sont soumis à l’approbation des différentes parties. Des négociations ont lieu sur certains points. Un accord est trouvé, la mise en production devient effective.

Les premiers résultats des indicateurs démontrent un renforcement de la qualité de service de nos collaborateurs. La responsable du service du client s’appuie sur ces résultats pour donner à mon entreprise la charge de certains projets qui seront effectués avec succès. Ces succès seront au crédit de Madame C. Pour mon entreprise le résultat est la demande de renfort complémentaire pour les tâches supplémentaires.

L’appel d’offre pour le renouvellement de la prestation ne sortira que trois mois plus tard. Mon projet est terminé, j’apprends plus tard la validité par l’organisme de certification ISO de notre démarche qualité au sein de l ‘entreprise cliente.

Description détaillée du contexte

Maintenant je reviens sur certains points de ce projet qui sont pour moi les facteurs de la réussite.

Une nouvelle responsable de service est nommée chez notre client. Madame C est responsable du service exploitation et maintenant du service de maintenance. L’ancien responsable a créé un service télécommunication. Mais il a une emprise sur son ancien service.

Un autre personnage vient interférer, le responsable de la qualité (Monsieur D). Il a en charge la politique qualité de l’entreprise sous la norme ISO, mais il a en charge le centre d’appel. Il vient en amont du service de maintenance. Les interventions des techniciens sont déclenchées selon les informations rentrées dans l’outil de gestion des incidents.

La difficulté est d’instaurer la nouvelle responsable comme la patronne du service tout en ménageant l’ancien responsable qui garde une certaine influence. Et maîtriser le responsable qualité qui se retranche sur des indicateurs flous pour dédouaner son centre d’appel.

Il me faut un appui chez le client pour réussir à atteindre mes objectifs. Cet appui va être la nouvelle responsable (Madame C). Nous nous rencontrons deux fois avant le début du projet.

Et nous rentrons dans un jeu de lumière et d’obscurité.

La première rencontre se passe avec le responsable de compte. Et nous rentrons dans un jeu de lumière et d’obscurité. J’ai trouvé une similitude dans le livre de Francis WALDER. Dans le livre « Saint Germain ou La négociation », le narrateur explique sa position vis à vis du Maréchal de Biron que celui-ci : « convenait à l’apparat comme la mienne à l’effacement » (Page 28 du livre cité note 16).

Le rôle du responsable du compte est celui de la lumière, il représente mon entreprise, il est le garant contractuel. Il est là pour préserver son contrat, sa rentabilité, sa seule concession est mon intervention pour la mise en place du PAQ.

Mon rôle est plus celui de l’ombre, je dois réussir la rédaction du PAQ ainsi que sa mise en place. Un autre objectif, qui n’est pas énoncé, est d’éviter un appel d’offre sur la prestation qui doit être éminent.

Le responsable de compte me présente, indique le sens de ma mission et laisse entendre qu’il espère une prolongation du contrat sans appel d’offre. Madame C n’accepte pas et réfute ma prestation comme un engagement de sa part. Je vais à partir de ce moment me mettre de son côté ou du moins lui faire comprendre que j’ai la même approche. Mais qu’il faut envisager mon intervention comme une chance de démontrer le travail de son nouveau service et remonter les dysfonctionnements pour les corriger. Ainsi elle se démarquera de son prédécesseur et assurera sa position au sein du département informatique.

Nous terminons la réunion sur l’engagement d’une nouvelle réunion.

La semaine suivante, une nouvelle réunion est programmée. Elle a lieu simplement entre Madame C et moi. Nous nous mettons d’accord sur le démarrage de ma prestation, il n’y pas d’engagement de sa part. Mais elle veut bien essayer de construire une relation de type partenaire. Cette relation passera par des étapes successives qui sont autant de jalons qui de part et d’autre montreront la volonté de chacun de construire une relation basée sur la confiance.

J’ai insisté sur cette phase du projet qui est en amont. Car dans ce cas-là, la MOA est ma hiérarchie. J’ai un projet qui n’émane pas d’un client. Il est impératif pour avoir une chance de succès de trouver un appui chez le client. J’ai souvent commencé mes projets par une mise à plat des acteurs. Je cherche ensuite les appuis. Je les détermine et j’essaye de leur démontrer l’intérêt commun de la réussite.

Connaître les forces en présence

Un chef de projet pour réussir doit connaître les forces en présence.

Ce que je veux montrer, c’est qu’un chef de projet pour réussir doit connaître les forces en présence. Savoir sur qui il peut s’appuyer, qui sera au contraire ses freins. Une fois que les rôles sont connus, vous limitez les surprises. Je dis « limiter » car l’expérience démontre qu’on ne peut pas les éliminer.

Je reprendrai un terme : Je suis prêt à monter dans le bus. J’emploie plutôt le terme suivant : je suis prêt à monter dans le bateau. J’ai un passé nautique.

Quand vous embarquez sur un bateau, vous vérifiez tout. Car une fois sur l’eau, le moindre problème peut être grave. La préparation et la vérification sont importantes. Elles permettent de partir sereinement. Sur l’eau tout peut arriver, mais vous mettez toutes les chances de votre côté si votre bateau est bien armé.

Pour revenir à mon projet, j’ai éclairci l’horizon. Je me suis donné les moyens pour commencer de façon sereine un projet qui n’est pas bien apprécié au départ.

Challenger le planning

Un autre aspect que je veux montrer sur la gestion d’un projet est la remise en question du planning que l’on a établi. Je devais rendre un certain nombre de procédure à une date donnée. Je me suis aperçu lors du commencement de la rédaction l’émergence d’une perte de temps. J’ai informé Madame C de la possibilité d’un retard sur la livraison de certains livrables.

En effet, le peu de modèles de documents que j’ai récupérés sont construits de façon hétérogène. Je perds du temps en essayant de mettre en concordance ces documents afin d’avoir une trame sur la mise en page et un modèle de présentation.

La présentation des documents est pour moi très importante. Pour deux raisons :

  • la première est liée à la représentation que vous donnez en présentant un travail propre et bien structuré.
  • la deuxième est simplement fonctionnelle, un document clair est généralement facile à remplir.

On améliore les chances de voir ces documents être utilisés.

Il ne faut pas avoir peur de remettre en question la planification.

Je reviens au projet, je sentais une dérive arriver sur mon planning. J’ai donc stoppé toutes mes rédactions pour me focaliser sur la présentation des documents. J’ai listé tous les documents que je devais mettre en place et j’ai créé les modèles. Pour le PAQ, j’ai créé les styles afférents.

Une fois ce travail effectué, j’ai pu reprendre ma rédaction. Le temps que j’ai perdu pour cette mise en forme, s’est relevé un gain de temps. La rédaction des procédures est répétitive, l’utilisation d’un modèle facilite la production de ces procédures. Au final, on gagne du temps.

Je veux démontrer que de temps en temps il ne faut pas avoir peur de remettre en question la planification. Bien sûr, il faut impérativement communiquer sur ce glissement et l’entériner avec les différentes parties. L’anticipation permet de supprimer ou du moins d’atténuer des problèmes qui peuvent survenir. Il est de la responsabilité du chef de projet de prendre ces décisions ou du moins de les soumettre aux autres parties.

Finaliser le projet

Le dernier point sur ce projet que je souhaite mettre en avant est la finalisation du projet en lui-même. La mise en production d’un PAQ n’est validée qu’au travers des indicateurs qu’il décrit et le suivi des procédures inscrites et listées.

La difficulté est de démontrer l’efficacité de son travail.

Je me suis rendu compte que pour pouvoir terminer et sortir comme prévu de chez le client, je dois mettre les indicateurs et certains documents en fonction avant la fin de mon projet. Je dois avoir un retour sur mon travail un mois avant la fin du projet. Je travaille avec notre collaborateur qui est le responsable du site, je montre les avantages de tracer et de mettre en évidence le travail de ses équipes, afin de couper les remarques du responsable qualité client qui couvre les erreurs de ces équipes internes du centre d’appel.

Les indicateurs ont été déterminés par toutes les parties et ceux-ci dans un cadre contractuel et sous les normes qualités du client. Ces indicateurs ne peuvent pas être réfutés, surtout par le responsable qualité.

La problématique vient souvent des techniciens quand vous parlez des indicateurs. Ils pensent à la surveillance et non à la représentation réelle de leur travail. Une fois le responsable de site convaincu de l’utilité des statistiques, nous avons impliqué l’équipe.

Le résultat est probant. Les statistiques montrent le travail de notre équipe qui respecte le niveau de service attendu. Elles démontrent aussi un dysfonctionnement sur des opérations qui sont ponctuelles et qui le sont devenues par un manque de filtrage au fil du temps et génératrice d’incompréhension. Nous anticipons les problèmes en mettant à l’avance la mise en place des indicateurs et des statistiques.

A la fin du projet, l’adéquation des indicateurs avec les attentes des différentes parties est en phase. Tous les problèmes de la mise en place des indicateurs sont remontés lors de test. La mise en production pour le comité de suivi est une réussite, il n’y a eu aucune remarque particulière. La validité du PAQ a lieu lors d’un comité de pilotage.

Si on veut terminer une tâche il faut savoir comment on la finit.

Pour revenir sur la fin du projet, je pense que là aussi il faut anticiper. Si on veut terminer une tâche il faut savoir comment on la finit. Si on anticipe la fin, on peut éviter des surprises de dernière minute. Si j’anticipe la fin d’un projet, je m’assure de la fin réelle de mon projet.

Voilà, je voulais montrer ces trois aspects de mon projet. Car ils sont à mon sens les facteurs de la réussite de ce projet. Un mot revient sans cesse, c’est « anticipation ». Un chef de projet doit se projeter sans cesse dans l’avenir.

Dans la marine ancienne, un capitaine de vaisseau a en charge son navire. Il est toujours en train d’anticiper les conditions atmosphériques. Si le vent baisse, il envoie plus de toile, le contraire, si le temps devient mauvais. C’est lui et lui seul qui détermine si on réduit la voilure. Ces lieutenants ont très peu de marche de manœuvre, ils doivent suivre les indications du capitaine. Ce parallélisme avec la voile est pour moi évident. On ne se lance pas en mer au hasard. Sur un projet, c’est pareil.

Récapitulatif

Si je reprends les trois points que j’énonce au-dessus :

deriveurL’analyse des risques est déterminante avant le démarrage d’un projet, un capitaine ne part jamais sans carte marine, sans prendre connaissance de la météo et surtout sans avoir vérifié son navire. J’ai commencé sur des dériveurs monoplaces. Il est évident que l’on vérifie l’état de son bateau, pas besoin de carte ou de vivres, mais on se renseigne sur la météo. Je pense que cette habitude de vérifier si tout est normal avant de me lancer vient de ce conditionnement sportif. Je parle de conditionnement car cette habitude est devenue un automatisme et quand j’entreprends un projet, l’évaluation des risques est instinctive.

La remise en question d’une planification. Quand vous êtes en mer et surtout sur un voilier ! On peut effectivement effectuer un planning, mais on est tributaire des conditions météorologiques. Que peut-on faire ? On accepte contraint et forcé. Nous ne pouvons pas commander aux éléments. On se doit d’être humble devant la nature. On n’est jamais le plus fort. Une fois que l’on a accepté ces règles simples de base, on envisage ces contraintes comme faisant partie du jeu.

Un jour, je perds du temps et une autre fois je gagne du temps. L’arrivée est probable à une date donnée, mais elle n’est pas sûre.

Alors que ressort-il ? Je pense à un certain fatalisme, mais il n’est pas désabusé.

On ne peut rien faire dans certains cas. Donc autant en prendre son parti, on se repositionne pour mieux repartir. Dans l’exemple, c’est un peu comme si j’avais une voile déchirée. Si j’affale ma voile pour la réparer, je vais perdre du temps.

Si je la garde, mon bateau ralentit et je risque que la déchirure s’amplifie. Je peux aller à une déchirure complète et la voile devient irréparable. Conclusion, je pense que certains arrêts sur une planification donnée ne sont pas forcément une perte de temps.

Le dernier point est la prévision d’une fin annoncée. Quand vous êtes sur un bateau ! Vous anticipez l’accostage de votre bateau. Vous réduisez votre vitesse selon le type d’unité sur laquelle vous naviguez. Vous réduisez les voiles ou vous les affalez complètement pour terminer sur votre aire. Vous préparez vos bouts pour l’amarrage au quai, etc.

L’anticipation est le maître mot, je vous laisse imaginer un voilier qui rentre dans un port et qui n’anticipe pas son accostage. Je pense que vous serez d’accord sur les dégâts qui peuvent survenir. Pour moi un projet est pareil. Si on n’anticipe pas la fin de son projet, si on ne définit pas comment on maîtrise sa fin, on risque de se heurter.

Je pense que mon passé joue sur ma perception et l’approche que j’ai sur mes activités professionnelles. Mais il joue d’une manière constructive.

L’anticipation et la remise en question sont indéniables. Si on rajoute une dose de méthodologie, je pense que l’on n’est pas très loin du profil d’un chef de projet.

Que vous inspire ce retour d’expérience ?

11 réflexions au sujet de “Rédaction d’un plan d’assurance qualité (PAQ) : retour d’expérience”

  1. C’est édifiant ce retour d’expérience. Surtout à la fin cette analogie avec le voilier en mer.
    Merci infiniment pour ces information plein d’enseignement.

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  2. Retour d’expérience très riche d’enseignement. J’ai eu l’occasion de faire de la gestion de projet, un PAQ et de la voile. Mais j’avoue que je n’avais pas vu autant de similitudes entre ces disciplines. Je pense que ceci m’aidera pour la suite. Merci et bonne continuation.

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  3. Intelligent et salvateur. J’essaie depuis 24 ans d’introduire la notion de plan Qualité dans les cabinets d’architectes qui en ont un urgent et crucial besoin. Peine perdue mais cependant un gros avantage, quel temps gagné pour sélectionner ceux qui en appliquent un! Ne pas oublier la synergie et en parallèle à l’anticipation le « due diligence » qui permet de gagner un temps et une énergie précieux.

    merci et bon vent, pa varreon

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  4. Je vous remercie énormément pour ce retour d’expérience très riche plein de précieux conseils, pimenté par une illustration bien parlante, celle d’un capitaine sur son bateau…merci

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