Mon tout premier chiffrage … comme stagiaire !

Lundi matin, 8h50, je sors de la bouche de métro, je marche quelque pas et j’arrive devant l’immeuble d’une grande chaîne de télévision privée. Au-dessus de la porte d’entrée, le logo de la chaîne, immanquable à 200 mètres.

C’est mon premier jour de stage, ça y est, fini les examens, fini les « projets » étudiant, ou les petits stages, on attaque du sérieux, me dis-je en passant la porte.

Mon tuteur de stage vient me chercher à l’accueil et on prend l’ascenseur jusqu’au 4e étage. Le bureau n’est pas bien grand mais on sera tout de même 5 à y bosser. Je pose mes affaires, et je suis emmené à la machine à café pour un tête-à-tête avec mon maître de stage.

Le stagiaire caféiné

C’est la Terre qui bouge ou c’est juste moi ?

« Café ? »

Je n’en bois jamais car je n’aime pas ça. Je réponds « oui, merci ! » .. car je ne veux pas refuser. Je bois deux gorgées de mon café, je sens ma tension artérielle doubler en quelques minutes. J’ai l’impression que mes yeux vont sortir de leurs orbites.

Il entame la discussion, il me sort tout un tas de noms de technologies en me demandant si je connais. Au milieu de 5 ou 6 « Non », je réponds quand même « Ah oui ça me dit quelque chose », mais en y repensant après, je me dis que ce n’était finalement pas judicieux.

Je pose la question des horaires histoire d’être en phase avec le client. 9h-19h … ok message reçu.

On retourne dans le bureau, je m’installe à mon poste. On m’annonce que je vais bosser sur l’ordonnancement des traitements de nuit. Apparemment c’est une usine à gaz qu’un seul consultant de l’équipe connaît mais il n’a pas le temps de bosser dessus. Donc le spécialiste me briefe rapidement mais généreusement et ma première tâche consiste à documenter tout cela (avant que tout ne soit refait quelques mois plus tard).

Le juste chiffrage

Mon maître de stage me demande combien de temps il me faut pour réaliser cette documentation. Son sourire me laisse penser que c’est un test mais il attend malgré tout une réponse.

Je commence à cogiter rapidement (le café fait toujours son effet), ça turbine, ça passe en revue ce que le collègue m’a présenté un peu plus tôt, je vois les écrans, les traitements, les icônes, les enchaînements, les flèches, les dossiers, les paramètres, tout ça défile dans ma tête et puis je réponds … « 2 jours ! ».

Temps de réponse entre 5 et 10 secondes qui m’ont paru une éternité. J’aurais pu botter en touche, lui dire que je prenais 5-10 minutes pour regarder et refaire une passe avant de lui donner une réponse. Mais on apprend à faire ça quand on a déjà fait l’erreur une fois de répondre trop vite :-).

« Ok donc on fait un point demain soir alors ! »

Ah oui, 2 jours ça fait demain soir, mince, c’est court … Bon, tant pis, c’est parti, je commence avec le premier traitement, je regarde ce qu’il se passe, je comprends les paramètres, je vois les implications, je prends des impressions écrans, ajoute quelques notes pour la description et passe au suivant. J’alimente au fur et à mesure un fichier avec tout ce que je comprends.

Après 2 ou 3 comme ça, je regarde l’heure, mince ça fait déjà 2 heures que je suis dessus. Je regarde le nombre de dossiers restant à analyser : une bonne cinquantaine encore !

Quand y’en a plus y’en a encore

Un rapide calcul me laisse penser que j’y serai encore la semaine prochaine à ce rythme. Le problème c’est que c’est un sac de noeuds comme système avec des enchaînements conditionnels en cascade ..

Donc je décide d’accélérer en relevant le niveau de profondeur de l’analyse (en gros, je comprends ce que ça fait mais je ne me soucie plus des détails) et en définissant un modèle standard de documentation de traitement avec des cases à remplir pour faire plus simple.

A la fin de la première journée, j’en suis à une quinzaine. Ca promet donc une bonne deuxième journée ! Le lendemain, je suis en mode automatique (sans café), je remplis les cases, prends des impressions écrans, ajoute une description et enchaîne.

9h pour documenter 35 traitements, ça fait 15 minutes par traitement, autant dire qu’il ne faut pas traîner (ni aller au toilette).

Stagiaire « down » !

Faites des choses stupides plus vite avec plus d'énergie18h, il ne m’en reste que quelques-uns, des traitements annexes, quand mon maître de stage me demande d’imprimer ce que j’ai fait. Je lance l’impression, presque 50 pages sortent de l’imprimante.

Je suis assez fier de l’épaisseur du document que je lui remets. Mon maître de stage le prend en main, semble agréablement surpris et le parcourt rapidement en faisant défiler les pages comme celles d’un livre.

« Quand tu m’as dit 2 jours, j’étais sceptique, je m’attendais plutôt à une semaine mais t’as déjà fait un sacré boulot ! »

Je suis soulagé et épuisé .. Il demande au collègue, spécialiste du sujet, de jeter un oeil. Ce dernier lui répond poliment que c’est bien, ça donne une bonne vision d’ensemble, mais je comprends bien dans sa réponse que ça ne lui apporte pas grand chose au final. Mon maître de stage est quand même satisfait.

En tout cas je peux vous garantir que pour les demandes de chiffrages suivants, j’ai fait beaucoup plus attention !

Ce que l’on peut retenir

réfléchir 7 fois dans sa tête avant de donner une réponse à une question de chiffrage : prendre un peu de temps pour répondre, c’est tout à fait normal que l’on soit stagiaire ou pas mais surtout quand on découvre ce qu’il y a à chiffrer

un chiffrage est arbitraire par définition : quand faut finir, on finit d’une manière ou d’une autre, en faisant des choix, des compromis, en priorisant.

D’habitude vous passez l’aspirateur en 40 minutes pour faire toutes les pièces de votre logement. Mais si votre belle-mère passe vous voir dans 10 minutes ou si votre propriétaire arrive faire une visite dans 5 minutes avec le futur locataire, vous allez passer l’aspirateur dans le délai qui vous reste et vous allez faire au mieux. Vous saurez que derrière le canapé, ce ne sera pas fait, mais vous avez priorisé. L’important c’est le résultat attendu.

Et vous ? vous vous rappelez votre premier chiffrage ?

A lire également : Comment obtenir un stage de chef de projet

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3 réflexions au sujet de “Mon tout premier chiffrage … comme stagiaire !”

  1. La loi de Weinberg dit :
    Pour savoir combien de temps cela prend pour réaliser un travail, faites votre estimation la plus fiable, ajoutez un, multipliez par deux, et arrondissez à la dizaine supérieure

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