Livraison projet : on ne fait pas rentrer des carrés dans des ronds !

La première livraison d’un projet est souvent source de surprises et de problèmes à régler en urgence avant de pouvoir attaquer une phase de test, recette, intégration, etc. Il est important de s’y préparer dès le début du projet – voire en phase d’avant-vente – pour éviter de perdre du temps et du budget ..

Faites-moi rentrer ce carré dans ce rond !

Ils doivent faire rentrer un carré dans un rond ! 

La règle d’or c’est de reproduire au plus proche l’environnement cible : si vous développez votre projet dans un environnement technique différent de celui de l’environnement cible (environnement de recette, environnement de production, etc.) vous allez augmenter le risque de rencontrer des problèmes au moment de la livraison. En effet, ces environnements peuvent présenter des différences minimes qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses ..

Voici quelques exemples :

  • écrire une documentation au format OpenOffice.org et le client va la lire avec la suite Microsoft Office et inversement : document carrément pas lisible ou des problèmes de formatage en tout genre ..
  • livrer une application web développée sous Windows et l’installer sur un serveur Linux (ou inversement) : à moins de prévoir multi-plateforme dès le départ et d’être vigilant tout du long, il y a souvent quelques surprises de chemins, de paramétrage de serveur web, …
  • prendre une photo avec votre webcam et en vouloir une impression pour une affiche de 2 mètres de haut : « ça va pixelliser chérie ! »
  • faire votre présentation finale de type MS Powerpoint devant 25 personnes, votre PC ayant une sortie HDMI et le vidéo-projecteur une entrée VGA : et là c’est le drame ..

Dans la vie courante, cela revient à :

  • étaler une pâte à tarte sans connaître la taille du plat
  • acheter des piles sans connaître le bon modèle pour l’appareil
  • déménager le jour J sans avoir de véhicule assez grand pour transporter le canapé d’angle 7 places
  • changer la télévision d’endroit dans la maison sans vérifier s’il y a une prise antenne à cet endroit
  • acheter une carte mémoire au mauvais format pour son appareil photo numérique

Vous allez me dire que ce genre de problème arrive plutôt sur un projet « technique ». Mais quel projet aujourd’hui ne touche pas de près ou de loin à la technique ?

 Quelles sont les principales conséquences ?

– Vous dépassez votre charge et/ou budget : vous devez réparer les problèmes et faire en sorte que ça marche, vous devez donc soit passer du temps à refaire quelque chose qui a été fait, soit racheter un élément qui convient en remplacement, par exemple.

– Vous dépassez les délais : le jour J, faire face à des problèmes de ce type demande de la réactivité et peut être extrêmement chronophage soit en investigation du problème (comprendre pourquoi ça ne marche pas alors que « chez moi ça marche ! »), soit en correction de ce dernier (en espérant qu’un problème résolu n’en cache pas un autre derrière ..).

– Vous créez du doute dans la tête de votre client : mettez-vous à sa place, il va enfin obtenir ce qu’il a commandé (parfois très cher) mais le jour J ça ne marche pas et il vous voit transpirer à grosses gouttes pour savoir pourquoi.

– Vous entamez votre capital énergie pour la suite : la livraison / recette demande toujours de l’énergie, commencer par faire face à différents problèmes va être source de fatigue pour la suite.

Il n’y a de bon vent que pour celui qui sait où il va – (Sénèque)

Il faut donc bien définir la cible sous tous ses aspects pour mieux la viser tout au long du projet. Cette cible sera à affiner au fur et à mesure de l’avancement mais plus elle sera précise dès le départ, moins vous aurez de surprises. Des modifications de la cible peuvent parfois paraître anodines pour votre client mais peuvent impacter énormément l’architecture même de votre projet. Il est donc important que cette cible soit validée par le client.

  • En phase d’avant-vente : d’un point de vue périmètre, il vaut mieux définir cette cible de manière claire dans la proposition commerciale. Vous gérerez ainsi les changements « surprise » en cours de route sous forme d’évolutions de périmètre. En cas d’incertitude, prévoyez de la marge et prenez des hypothèses.
  • En phase de spécifications : il faut définir la cible de manière détaillée cette fois et commencer à demander les éléments techniques pour vous préparer à reproduire l’environnement cible. Certaines fonctionnalités du projet peuvent être contraintes par cet environnement cible, vous devez donc vous assurez de bien les définir.
  • En phase de développement : l’équipe doit travailler sur les éléments fournis par le client pour faire « comme si » tout fonctionnait sur l’environnement de production.
  • En phase de recette : bien évidemment l’environnement de recette doit suivre les mêmes contraintes que l’environnement de production. Le passage en recette vous permettra également de rôder la procédure de livraison vers la plateforme de production.

Bien sûr, il n’est parfois pas possible de reproduire parfaitement l’environnement de production. Il faut donc s’en approcher le plus possible en prenant des hypothèses.

Méfiez-vous des hypothèses ! 🙂 On entend souvent : « Oh oui, c’est pareil, ça devrait marcher ! » et bien évidemment, c’est la source du problème !

Reproduire l’environnement cible n’écarte donc pas tous les problèmes de manière magique, mais ça limite le risque qu’ils apparaissent et c’est toujours ça de gagné !

Avez-vous des exemples de livraisons drôles (après coup toujours 😉 ) en rapport avec cet article ?

Pour écouter le podcast :

ou télécharger la version mp3 : AnyIdeas.net-livraison-on-ne-fait-pas-rentrer-des-carres-dans-des-ronds-de-meme-taille.mp3

3 réflexions au sujet de “Livraison projet : on ne fait pas rentrer des carrés dans des ronds !”

  1. Une livraison « drôle » dont j’ai été le témoin…

    C’était au début de l’ère des applications dites de nouvelles technologies qui devaient révolutionner tout sur leur passage : on allait voir ce qu’on allait voir !

    La refonte des applications centrales de la clientèle particulier est en cours depuis près de 2,5 ans. Les utilisateurs finaux ont été invités à la réunion de lancement, et, depuis lors, plus rien, aucune nouvelle, pas de planning, pas de spécifications fonctionnelles générales et/ou techniques à valider. Le projet avance et se déroule dans le meilleur des mondes : personne ne va oser mettre en doute la parole du grand cabinet de conseil qui pilote, conçoit et développe la nouvelle application révolutionnaire.

    La date de livraison est fixée : lors d’une nouvelle grande messe, à laquelle les utilisateurs sont de nouveau conviés, le conseil leur fait part de sa confiance totale sur cette application qui va changer leur monde, leur vie, etc… La présentation commence par les fonctionnalités générales de l’outil, et, un utilisateur, forcément outrecuidant, dit : « OK, c’est bien joli, mais avez-vous penser à tel cas ? » Réponse du conseil : « Non, non, ça c’était comme vous travailliez avant, maintenant, vous allez travailler différemment, autrement, de manière plus ergonomique… C’est un changement total auquel je vous invite ». Retour de l’utilisateur « Ben, non, ça c’est juste et uniquement LA LOI ».

    Le conseil avait repensé toute son organisation et basé tout son système en faisant abstraction totale des textes réglementaires, qu’auraient pu lui donner les utilisateurs.

    3 ans d’études, de réalisations et de recettes informatiques jetés à la poubelle…

    Répondre
  2. Excellent l’expérience de Philippe. Encore le fameux effet tunnel du cycle en V. Triste.
    Avec une méthode agile, le problème aurait été vu dès les premiers sprints.
    Mais la responsabilité d’un tel fiasco ne s’arrête pas à la société de conseil.
    Quid des responsables côté client? Aucun reporting? Mode oeillère? Et aucune conséquence pour ce gachi humain? Et après on ira pinailler pour relever de 50 centimes les tickets restaurants des salariés quand un fiasco pareil plusieurs millions d’euros de pertes.

    Concernant l’article, beaucoup de bon sens et de banalités… qui sont encore en 2014, pas forcément respectées en entreprise. Incroyable mais vrai.
    Merci pour le rappel et cet excellent blog.

    Répondre

Laisser un commentaire